La revendication en procédure collective vous concerne si votre client est placé en sauvegarde, redressement judiciaire ou liquidation judiciaire… alors qu’il détient encore un bien dont vous êtes propriétaire :

  • matériel loué ou mis à disposition,
  • bien en crédit-bail,
  • marchandises livrées avec clause de réserve de propriété,
  • matériel prêté ou déposé, etc.

Dans ce contexte, vous ne pouvez plus agir librement : les poursuites individuelles sont suspendues, et l’actif du débiteur est gelé au profit de tous les créanciers.
Pour autant, votre droit de propriété ne disparaît pas : il s’exerce à travers une procédure spécifique, appelée action en revendication.

Revendication en procédure collective : le principe

Un mécanisme spécial pour rendre votre propriété opposable à la procédure

La revendication est prévue par les articles L. 624-9 et suivants du code de commerce, applicables en sauvegarde, redressement judiciaire et liquidation judiciaire.

Elle permet au propriétaire d’un bien meuble (créancier, loueur, crédit-bailleur, vendeur avec réserve de propriété…) de faire reconnaître que ce bien :

  • n’appartient pas au débiteur,
  • et doit donc être restitué, malgré la procédure collective.

Concrètement, la revendication :

  • rendra votre droit de propriété opposable à la procédure collective ;
  • permettra, en principe, la restitution du bien en nature, si ce bien se retrouve effectivement chez le débiteur au jour du jugement d’ouverture.

À défaut d’agir dans les délais, votre droit n’est pas “anéanti”, mais il devient inopposable à la procédure : le bien est alors traité comme un élément de l’actif du débiteur, réalisable au profit de tous les créanciers.

Procédures concernées… et exclusions

La procédure spéciale de revendication en procédure collective s’applique :

  • à la sauvegarde,
  • au redressement judiciaire,
  • à la liquidation judiciaire.

En revanche, elle ne s’applique pas notamment :

  • à la sauvegarde accélérée ;
  • à certains dispositifs particuliers (par exemple : traitement de sortie de crise, rétablissement professionnel).

Dans ces hypothèses, le créancier agit selon le droit commun de la revendication / restitution (Code civil), sans bénéficier du régime spécifique des procédures collectives.

Êtes-vous concerné ? Quels biens peuvent être revendiqués ?

Types de biens concernés

Vous pouvez être concerné si, au jour de l’ouverture de la procédure, le débiteur détient un bien :

  • que vous avez loué (contrat de location / mise à disposition),
  • faisant l’objet d’un crédit-bail régulièrement publié,
  • que vous avez vendu avec clause de réserve de propriété,
  • que vous avez prêté ou déposé (bien en dépôt, prêt de matériel, démonstrateur…)
  • ou, plus largement, tout bien meuble dont vous pouvez démontrer que vous êtes resté propriétaire.

Le point central : vous devez prouver votre droit de propriété (contrat, facture, CGV, clause de réserve de propriété, registre de propriété, etc.).

Condition clé : le bien doit se retrouver « en nature »

Pour que la revendication soit possible, le bien doit se retrouver en nature chez le débiteur au jour du jugement d’ouverture (article L. 624-16 du code de commerce).

Cela signifie :

  • un bien identifiable (numéro de série, référence, description précise…) ;
  • non transformé de manière irréversible ;
  • non incorporé à un autre bien de façon indissociable (par exemple, intégré dans une machine de telle manière qu’on ne puisse plus le récupérer sans dégâts majeurs).

En cas d’incorporation, la revendication est encore possible si la séparation est possible sans dommage sur le bien dans lequel il est incorporé. Sinon, la revendication en nature est exclue.

Et pour les biens fongibles (marchandises, matières premières…) ?

Pour les biens fongibles (par exemple des marchandises standard, matières premières, carburant, etc.), la revendication est possible si :

  • des biens de même nature et qualité se trouvent chez le débiteur,
  • en quantité suffisante pour couvrir (en tout ou partie) les livraisons impayées.

En cas de pluralité de vendeurs avec réserve de propriété, la restitution se fait au prorata des quantités livrées et impayées à l’expiration du délai de revendication.

Comment exercer une revendication en procédure collective ?

Un délai strict de 3 mois pour agir

Le point le plus dangereux pour le créancier est le délai :

  • Vous disposez de 3 mois à compter de la publication du jugement d’ouverture au BODACC pour introduire votre demande de revendication (article L. 624-9 du Code de commerce).
  • Il s’agit d’un délai préfix : en cas de dépassement, vous êtes forclos. Votre droit de propriété devient inopposable à la procédure, et le bien peut être vendu dans l’intérêt collectif.

Ce délai ne court pas contre la personne qui est dans l’impossibilité d’agir (par exemple, si elle n’a pas eu connaissance de l’ouverture de la procédure dans des conditions normales), mais en pratique, il faut être extrêmement vigilant.

Étape 1 : la demande amiable obligatoire

Dans ce délai de 3 mois, vous devez adresser une demande de revendication :

  • en sauvegarde / redressement :
    • à l’administrateur judiciaire, ou, s’il n’y en a pas, au débiteur,
    • avec copie au mandataire judiciaire ;
  • en liquidation judiciaire :
    • au liquidateur,
    • avec copie éventuelle à l’administrateur s’il en existe un.

La demande se fait par lettre recommandée avec accusé de réception.

Elle doit :

  • identifier clairement le bien (références, n° de série, localisation…) ;
  • rappeler votre titre de propriété (contrat, facture, clause de réserve de propriété, registre, etc.) ;
  • et surtout inviter expressément l’administrateur / le liquidateur à se prononcer sur votre droit de propriété.

Étape 2 : délai d’un mois pour une réponse / acquiescement

À compter de la réception de votre demande, l’organe de la procédure dispose en principe d’un délai d’un mois pour :

  • acquiescer à votre revendication (reconnaître votre propriété), ou
  • s’y opposer (totalement ou partiellement), ou encore
  • rester silencieux.

En cas d’acquiescement, la revendication est admise :

  • votre droit de propriété est reconnu ;
  • la restitution du bien doit intervenir, sauf si le bien est lié à un contrat en cours, auquel cas la restitution pourra être différée à la résiliation du contrat ou à son terme (article L. 624-10-1 du code de commerce).

Étape 3 : en l’absence d’acquiescement, saisir le juge-commissaire

Si, à l’issue du délai d’un mois :

  • vous n’avez pas obtenu d’acquiescement, ou
  • un refus explicite vous a été opposé,

vous devez saisir le juge-commissaire dans un nouveau délai d’un mois par requête.

À défaut, vous êtes forclos, avec les mêmes conséquences : votre droit de propriété est inopposable à la procédure, et le bien pourra être vendu.

Quand la revendication n’est pas nécessaire : contrats publiés et action en restitution

Lorsque le bien est couvert par un contrat ayant fait l’objet d’une publicité avant l’ouverture (par exemple un crédit-bail dûment publié), le propriétaire est :

  • dispensé d’agir en revendication dans le délai de 3 mois,
  • il peut exercer une action en restitution, sans condition de délai.

La procédure est proche :

  • demande par LRAR à l’administrateur / au débiteur (ou au liquidateur) ;
  • à défaut d’accord dans le mois, saisine du juge-commissaire.

En liquidation, si le propriétaire ne se manifeste pas, le liquidateur peut vendre le bien après mise en demeure restée sans réponse ; le prix est alors consigné au profit du propriétaire.

Clause de réserve de propriété : un levier essentiel pour les vendeurs

La clause de réserve de propriété est un outil central pour les fournisseurs qui livrent des marchandises ou du matériel à crédit.

Effet de la clause : transfert de propriété suspendu

La clause de réserve de propriété (article 2367 du Code civil) prévoit que :

  • la propriété du bien est transférée à l’acheteur seulement au complet paiement du prix.

Tant que le prix n’est pas intégralement payé :

  • vous restez propriétaire du bien ;
  • en cas de procédure collective, vous pouvez le revendiquer.

Conditions de validité et d’opposabilité en procédure collective

Pour être opposable dans une procédure collective, la clause de réserve de propriété doit :

  • être convenue par écrit,
  • être acceptée par l’acheteur au plus tard au moment de la livraison (CGV signées, bon de commande, contrat-cadre, etc.).

L’acceptation peut être prouvée par tous moyens (signature, échanges commerciaux, usages établis…).
En pratique, il est fortement recommandé :

  • d’insérer la clause dans vos CGV ;
  • de collecter systématiquement un accord écrit (signature des CGV, bon de commande renvoyé, conditions acceptées en ligne, etc.).

Sans clause valable et opposable, le bien est considéré comme vendu et vous n’êtes plus propriétaire : vous êtes alors un créancier chirographaire “classique” pour le prix impayé.

Si le bien est encore chez le débiteur

Si le bien concerné par la clause se retrouve en nature au jour du jugement d’ouverture :

  • vous pouvez exercer la revendication en procédure collective (dans les 3 mois) ;
  • si la revendication est admise, vous récupérez le bien ;
  • la valeur du bien récupéré vient s’imputer sur votre créance de prix ;
  • si la valeur du bien est supérieure à votre créance, l’excédent revient au débiteur.

Si le bien a été revendu : revendication du prix

Lorsque le bien a été légitimement revendu par le débiteur avant la procédure, la revendication en nature n’est plus possible.
Dans ce cas, la clause de réserve de propriété vous permet, sous conditions, de :

  • revendiquer le prix de revente ou la partie du prix encore due au jour du jugement d’ouverture (et non réglée en valeur ni compensée).

La jurisprudence admet que :

  • la demande en revendication du bien emporte revendication du prix si la procédure préalable de revendication a été respectée.

En revanche, il n’est pas possible de revendiquer une somme d’argent simplement mélangée dans les comptes du débiteur : dans ce cas, vous devez déclarer une créance.

Biens fongibles, incorporations et travaux

La réserve de propriété s’applique également :

  • aux biens fongibles (marchandises standard, matières…) ;
  • aux cas d’incorporation, lorsque la séparation du bien est possible sans dommage.

Là encore, la condition essentielle reste la preuve :

  • de l’existence en nature au jour de l’ouverture,
  • ou, à défaut, des conditions de la revente permettant de viser le prix.

Inventaire, preuve et rôle du mandataire

La loi impose l’établissement d’un inventaire du patrimoine du débiteur dès l’ouverture de la procédure.
Cet inventaire est déterminant pour les revendications :

  • s’il est complet et exploitable, un bien qui n’y figure pas est plus difficile à revendiquer,
  • s’il est inexistant, sommaire ou inexploitable, la charge de prouver que le bien n’existait plus en nature au jour de l’ouverture peut être renversée au détriment de la procédure (mandataire ou liquidateur).

En pratique :

  • conservez soigneusement contrats, factures, bons de livraison, numéros de série, e-mails, etc. ;
  • tentez d’identifier précisément où se trouve le bien (site du débiteur, chantier, entrepôt, chez un sous-traitant…) ;
  • n’hésitez pas à demander communication de l’inventaire.

Que se passe-t-il si vous n’agissez pas dans les délais ?

Si vous n’exercez pas votre revendication dans le délai de 3 mois, ou si vous ne saisissez pas le juge-commissaire dans le délai d’un mois après l’absence d’acquiescement :

  • vous êtes forclos ;
  • votre droit de propriété ne peut plus être opposé à la procédure ;
  • le bien est alors intégré à l’actif de la procédure et peut être vendu au profit de tous les créanciers.

Important :

  • il n’y a pas de transfert de propriété au débiteur au sens strict, mais, pour vous, l’effet est le même :
    vous perdez la possibilité de récupérer le bien ou son prix au titre de votre droit de propriété.

Votre seule issue est alors, en pratique, celle des autres créanciers :

  • déclaration de créance. Dans tous les cas, il est recommandé de doubler l’action en revendication par une déclaration de créance, qui elle doit intervenir dans les deux mois suivants la publication du jugement d’ouverture de la procédure collective au BODACC.
  • et participation, le cas échéant, aux distributions dans le cadre du plan ou de la liquidation.

Vous êtes loueur, crédit-bailleur, fournisseur ou prestataire, et votre client en procédure collective détient un bien dont vous êtes propriétaire ?

Je peux vous assister pour :

  • analyser vos chances de succès (preuve, existence en nature, inventaire, délais) ;
  • préparer et sécuriser la demande de revendication ;
  • faire une requête devant le juge-commissaire si nécessaire ;
  • structurer vos contrats et clauses de réserve de propriété pour l’avenir.

Vous pouvez me contacter en toute confidentialité. Je réponds personnellement à chaque demande. Si vous souhaitez clarifier votre situation, vous pouvez réserver un rendez-vous en ligne confidentiel sans engagement.

Luc Arminjon, avocat en droit des entreprises en difficulté : prévention des difficultés (mandat ad hoc et conciliation) reprise d’entreprises en redressement judiciaire ou liquidation judiciaire, redressement judiciaire, procédure de sauvegarde, liquidation judiciaire et défense des dirigeants (comblement de passif, faillite personnelle, interdiction de gérer)

Photo de Zlaťáky.cz sur Unsplash

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