Par Luc Arminjon, avocat en droit des entreprises en difficulté : prévention des difficultés (mandat ad hoc et conciliation) reprise d’entreprises en redressement judiciaire ou liquidation judiciaire, redressement judiciaire, procédure de sauvegarde, liquidation judiciaire et défense des dirigeants (comblement de passif, faillite personnelle, interdiction de gérer).
Introduction
Les procédures préventives — mandat ad hoc (article L.611-3 du code de commerce) et conciliation (article L.611-4 et s.) — sont, en France, les deux outils les plus efficaces pour restructurer une entreprise pour éviter qu’elle n’entre dans une procédure collective (sauvegarde, redressement judiciaire ou liquidation judiciaire).
Elles sont rapides, confidentielles, souples, et permettent d’obtenir des résultats parfois impossibles à obtenir en dehors d’un cadre préventif : étalement ou remise de dettes, rééchelonnement bancaire, accords fournisseurs, renégociation de PGE, sécurisation de la responsabilité du dirigeant, etc.
Pourtant, dans la pratique, de nombreuses entreprises échouent simplement parce que les dirigeants ignorent les règles du jeu, ou commettent des erreurs évitables.
Voici les erreurs les plus fréquentes observées en mandat ad hoc et en conciliation — et surtout, comment les éviter pour maximiser les chances de sauvetage de l’entreprise.
Si vous avez une question sur votre situation, vous pouvez également me contacter en toute confidentialité. Je réponds personnellement à chaque demande.
Attendre trop longtemps avant de solliciter une procédure préventive
L’erreur n°1, la plus répandue.
Beaucoup de dirigeants pensent qu’il faut solliciter un mandat ad hoc ou une conciliation quand tout va déjà mal. En réalité, le droit préventif est conçu pour intervenir avant l’apparition de la cessation des paiements.
Rappel juridique
- Mandat ad hoc : Le mandat ad hoc peut être demandé à tout moment, y compris si l’entreprise est en cessation des paiements.
En revanche, l’ouverture d’un mandat ad hoc ne suspend pas le délai de 45 jours prévu par l’article article L.631-4 du code de commerce pour déclarer la cessation des paiements au greffe du tribunal comme c’est le cas en conciliation. - Conciliation : cessation des paiements possible si elle date de moins de 45 jours (L.611-4).
Pourquoi attendre est dangereux ?
- Être en cessation des paiements depuis plus de 45 jours entraine la perte du bénéfice du mandat ad hoc et de la conciliation.
- Risques de successions des incidents de paiement et des inscriptions (URSSAF, trésor public etc.) si la trésorerie de l’entreprise est tendue.
- Risque accru d’une procédure collective subie.
Déposer une requête sans avoir préalablement rencontré un mandataire ad hoc
Certains dirigeants déposent une requête au tribunal en se disant : « Le président désignera quelqu’un, puis nous verrons. »
Erreur stratégique.
Le dirigeant peut proposer un mandataire ad hoc.
Le président reste libre de nommer qui il souhaite, mais il suit très souvent la proposition du dirigeant si :
- le dossier est préparé,
- le mandataire pressenti a déjà rencontré le chef l’entreprise,
- une convention d’honoraires préalablement négociée est jointe,
- l’avocat présente une stratégie claire.
Pourquoi préparer avec un mandataire AVANT la requête ?
Parce que cela permet de :
- préparer la stratégie de négociation en amont,
- exposer au président du tribunal un dossier cohérent dès le dépôt,
- éviter un temps de latence avant que le mandataire ne commence réellement sa mission.
Risques si on ne prépare rien
- nomination d’un mandataire sans préparation des enjeux,
- lancement de la mission dans le flou,
- dossier moins bien perçu par la juridiction.
Ne pas préparer sa documentation financière
Les banques, l’Urssaf, les fournisseurs, et le tribunal, se basent sur des chiffres, pas sur des impressions.
Les erreurs fréquentes :
- comptes annuels non déposés,
- absence de prévisionnel de trésorerie,
- dettes non répertoriées,
- absence de vision sur les marges.
Vouloir négocier seul avec ses banques ou ses fournisseurs
Le dirigeant pense pouvoir “expliquer la situation”. Il a peur de franchir la porte du tribunal et de voir quelqu’un « s’immiscer dans sa gestion ».
Mais les banques ont des procédures strictes et veulent sécuriser leurs accords en cas de procédure collective ultérieure de l’entreprise en difficulté. Seuls le mandat ad hoc et la conciliation permettent de sécuriser l’accord. L’accord peut être constaté par le tribunal pour obtenir une force exécutoire. En conciliation, l’accord peut être homologué par le tribunal (articles L. 611-8 et s. du code de commerce).
Le statut du mandat ad hoc ou de conciliateur, désigné par le président du tribunal, son appartenance à la profession des administrateurs judiciaires et son expérience de ce type de négociations augmentent significativement les chances de succès. Les partenaires de l’entreprise en difficulté refusent plus difficilement de rentrer dans les négociations.
Cela protège aussi le dirigeant en cas de dépôt de bilan. Le fait d’avoir tenter d’anticiper les difficultés en amont réduit le risque de poursuite ultérieures (faillite personnelle, interdiction de gérer, comblement de passif).
Présenter un prévisionnel irréaliste
Le prévisionnel d’exploitation et de trésorerie est l’une des clés pour la réussite d’une conciliation.
Le mandataire ad hoc, les créanciers, les partenaires de l’entreprise ainsi que le tribunal
vont l’évaluer avec précision pour voir si l’accord de conciliation, dont le rééchelonnement des dettes, a des chances d’aboutir jusqu’à son terme.
Chaque situation est différente. Si vous souhaitez clarifier la vôtre, vous pouvez réserver un rendez-vous en ligne confidentiel sans engagement.
Oublier qu’une conciliation homologuée et publiée protège l’entreprise
Les dirigeants pensent souvent que si la conciliation est publiée tout le monde va être au courant de leur difficulté. Le contenu de l’accord demeure confidentielle. Une conciliation homologuée n’est pas une procédure collective.
La conciliation montre aussi que l’entreprise contrôle son avenir.
La conciliation homologuée est une forte pour l’entreprise et ses partenaires (article L.611-10-1 et s. du code de commerce) : sécurisation des remises, suspension des poursuites individuelles des parties à l’accord et possibilité d’obtenir des délais de paiement à l’encontre des créanciers récalcitrants, privilège de « new money » pour certains créanciers, protection renforcée du dirigeant contre les actions en responsabilité, opposabilité à tous les créanciers signataires, protection du dirigeant caution.
Ne pas anticiper un possible échec de la négociation
Même une bonne conciliation peut échouer. Mais elle permet aussi de préparer une procédure de sauvegarde si l’entreprise n’est pas en cessation des paiements ou cession anticipée de l’entreprise à un tiers dans des conditions rapides après l’ouverture d’une procédure collective « prepack cession ».
Une conciliation “ratée” mais préparée est souvent suivie d’une sauvegarde ou d’un redressement judiciaire réussi.
Si vous avez une question sur votre situation, vous pouvez également me contacter en toute confidentialité. Je réponds personnellement à chaque demande. Si vous souhaitez clarifier votre situation, vous pouvez réserver un rendez-vous en ligne confidentiel sans engagement.
Luc Arminjon, avocat en droit des entreprises en difficulté : prévention des difficultés (mandat ad hoc et conciliation) reprise d’entreprises en redressement judiciaire ou liquidation judiciaire, redressement judiciaire, procédure de sauvegarde, liquidation judiciaire et défense des dirigeants (comblement de passif, faillite personnelle, interdiction de gérer).
Photo : sebastian-pichler- unsplash
