La reprise des salariés dans un plan de cession d’une entreprise en redressement judiciaire ou liquidation judiciaire est une question centrale à laquelle tout repreneur est confronté.
Selon l’article L. 642-5 du code de commerce, le tribunal ne choisit pas systématiquement l’offre dont le prix est le plus élevé, mais celle qui garantit le mieux :
Le maintien de l’activité
La sauvegarde des emplois
Le paiement des créanciers
Autrement dit, le prix seul ne suffit pas. Une offre proposant un faible prix mais de bonnes garanties sur l’emploi et un projet pérenne peut être retenue.
En pratique, le critère de l’emploi est souvent prépondérant.
LEXIQUE
- « Repreneur » ou « Cessionnaire » ou « Candidat repreneur » : ces termes seront utilisés indifféremment pour désigner la personne physique ou morale (une société) qui fera une offre de reprise d’une entreprise en difficulté (actifs, contrats, salariés) et/ou dont l’offre aura été acceptée par le tribunal.
- « Entreprise en difficulté » ou « débiteur » ou « cédant » désignent indifféremment la personne morale ou la personne physique qui fait l’objet d’une procédure collective. Le repreneur fait une offre de reprise de tout ou partie de l’activité d’une entreprise en difficulté.
Ces termes peuvent le cas échéant désigner l’entreprise qui fait l’objet d’une procédure de prévention des difficultés des entreprises : Mandat ad hoc ou Conciliation.
- « Procédure collective » désigne soit une procédure de sauvegarde, soit une procédure de redressement judiciaire, soit une procédure de liquidation judiciaire. La procédure collective d’une entreprise est ouverte par un jugement du tribunal appelé jugement d’ouverture. Quand cela sera nécessaire, la procédure collective en question sera précisée.
- « Offre de reprise » désigne l’offre de rachat faite par le repreneur « à la barre du tribunal » de toute ou partie d’une activité d’une entreprise en procédure collective susceptible d’une exploitation autonome. Cette offre comprendra notamment la reprise d’actifs, de contrats en cours et de salariés d’une entreprise en difficulté.
- « Plan de cession totale ou partielle » ou « plan de cession » ou « cession totale ou partielle » ou « cession » désignent soit le projet de cession de l’entreprise en procédure collective, soit la décision du tribunal qui détermine dans son jugement la ou les offre(s) de reprises retenue(s) au bénéfice d’un ou plusieurs candidat(s) repreneur(s). La précision sera donnée quand cela s’avèrera nécessaire.
- « Dépôt de bilan » est devenue une expression du langage courant qui désigne l’acte par lequel le chef d’entreprise demande au tribunal d’ouvrir une procédure collective au bénéfice de son entreprise. Dans le cas d’une demande de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, le chef d’entreprise procèdera à une déclaration de cessation des paiements.
Le transfert des salariés dans le cadre d’un plan de cession : ce que vous devez savoir
Lorsque vous reprenez une entreprise en difficulté en plan de cession, vous devez impérativement anticiper la question des salariés. Il s’agit d’un point central. D’un côté, vous avez besoin de sécuriser les compétences nécessaires à la poursuite de l’activité ; de l’autre, il ne s’agit pas de reprendre une masse salariale qui mettrait en péril l’équilibre économique du projet.
Heureusement, la loi encadre précisément ces situations.
LA règle du Code du travail : transfert automatique des contrats de travail
L’article L. 1224-1 du Code du travail prévoit qu’en cas de changement dans la situation juridique de l’employeur (vente, fusion, transformation, etc.), tous les contrats de travail en cours sont automatiquement transférés au repreneur, sans modification de leurs conditions (salaire, ancienneté, etc.).
Cela signifie que si vous reprenez une branche d’activité autonome, les salariés attachés à cette activité sont transférés avec elle, à l’identique, et ne peuvent pas s’opposer au transfert. De la même façon, vous ne pouvez pas modifier unilatéralement leurs contrats de travail après la reprise.
MAIS vous choisissez le nombre et les postes de salariés que vous reprenez
Dans une cession ordonnée par le tribunal, la loi vous permet, en tant que repreneur, de choisir le nombre de salariés par poste que vous souhaitez reprendre. Vous n’avez pas à reprendre l’ensemble des salariés. Vous devez indiquer dans votre offre de reprise le nombre de salariés et les fonctions concernées, sans mentionner de noms.
L’administrateur ou le liquidateur judiciaire appliqueront ensuite les critères légaux d’ordre des licenciements pour identifier les personnes à conserver ou à écarter.
Cette possibilité est essentielle pour ajuster la masse salariale à votre projet. Mais attention : elle suppose que vous ayez une bonne connaissance de la structure des effectifs, des fonctions clés, et des coûts associés avant de déposer votre offre.
Qui paye les licenciements des salariés non repris ?
Les salariés dont les postes ne sont pas repris seront licenciés pour motif économique dans le mois qui suit le jugement arrêtant le plan de cession. Ce n’est pas vous qui supportez le coût des licenciements, mais l’entreprise qui fait l’objet de la procédure de redressement judiciaire, liquidation judiciaire, voire de sauvegarde.
Cela constitue un atout majeur de la reprise d’une entreprise en plan de cession afin de ne pas grever la relance de l’entreprise par le coût d’un plan social.
C’est l’administrateur judiciaire (ou le liquidateur, s’il n’y a pas d’administrateur) qui notifie ces licenciements, en respectant les règles du Code du travail.
Que deviennent les salariés repris ?
Les salariés dont les postes sont repris changent simplement d’employeur. Leur contrat de travail est transféré automatiquement sans rupture, avec les mêmes conditions de salaire, d’ancienneté, de durée du travail, etc.
Le transfert s’impose à vous comme à eux, ni vous, ni eux, ne peuvent y opposer. Bien entendu, un salarié conserve le droit de démissionner à tout moment, il doit simplement respecter son délai de préavis et les autres termes de son contrat de travail relatifs à son départ de l’entreprise.
Le cas particulier des salariés protégés
Si l’un des salariés à licencier bénéficie d’un statut protecteur (délégué syndical, membre du CSE, etc.), il faudra obtenir l’autorisation de l’inspection du travail pour procéder à son licenciement. Et si cette autorisation est refusée, le salarié bénéficiera du transfert automatique prévu par l’article L. 1224-1 et pourra réintégrer votre entreprise, même si vous ne l’aviez pas prévu dans votre offre.
Cela signifie qu’un salarié protégé, que vous n’envisagiez pas de reprendre, pourrait vous être imposé si son licenciement n’est pas validé par l’autorité administrative.
6. Qui paie les congés payés et les RTT en cours ?
Par défaut, chaque employeur successif est responsable au prorata des congés payés acquis par les salariés. Cela signifie que les congés acquis avant la cession restent à la charge du cédant (ou de l’AGS). Toutefois, dans la pratique, il est fréquent que le repreneur accepte de prendre en charge l’intégralité des congés payés acquis pour simplifier la gestion RH et éviter les appels de charges à chaque départ en congé.
Cela peut faire partie de votre stratégie de négociation et doit figurer explicitement dans votre offre de reprise.
La reprise des congés payés et des RTT est toujours appréciée par l’administrateur et le tribunal.
Le repreneur peut-il licencier des salariés après la reprise de l’activité ?
Que se passe-t-il si le repreneur licencie des salariés en dehors des prévisions du jugement qui a arrêté le plan de cession ?
Le repreneur peut procéder à des licenciements pour des motifs classiques de cause réelle et sérieuse par exemple en cas de faute du salarié.
De même, si le repreneur effectue quelques licenciements économique pour cause réelle et sérieuse le droit commun des licenciements économiques s’applique. Néanmoins si le nombre des licenciements auxquels le repreneur procède va au-delà des prévisions du plan, il faudra procéder à une procédure de modification du plan.
Conventions/accords collectifs dans le cadre d’un plan de cession
Lorsqu’une entreprise en difficulté est reprise dans un plan de cession, le transfert ne se limite pas aux seuls actifs matériels ou aux salariés. Il englobe aussi les « moyens juridiques », ce qui inclut notamment les accords collectifs en vigueur (conventions ou accords d’entreprise applicables à l’entité cédée).
Historiquement, ces accords collectifs étaient automatiquement dénoncés à la date de l’adoption du plan de cession. Toutefois, la loi « Travail » du 8 août 2016 (article 17) a changé la donne.
Négociation d’accords de substitution
Désormais, il est possible, en amont de l’adoption du plan, de négocier des accords collectifs de substitution, directement entre les repreneurs et les représentants du personnel. L’objectif de cette négociation anticipée est de permettre l’entrée en vigueur immédiate de nouvelles règles collectives (par exemple : temps de travail, rémunération, primes…) dès l’arrêté du plan, sans avoir à attendre la fin du délai transitoire de 15 mois prévu après la dénonciation des anciens accords.
Cela permet au repreneur :
- d’ajuster dès le départ les conditions de travail à son nouveau projet,
- de gagner en sécurité juridique,
- et d’anticiper l’harmonisation des statuts collectifs si l’entreprise cédée est intégrée à un groupe.
Mais attention : cette possibilité suppose une initiative volontaire de négociation, souvent dans des délais serrés, au stade même de la préparation de l’offre. Ce levier doit donc être anticipé très en amont.
Enfin, même en cas de cession partielle (par exemple, d’une branche d’activité autonome), l’ensemble de ces éléments doit être pris en compte : les droits collectifs, les contrats de travail, et les conditions sociales existantes doivent être examinés avec attention, car ils peuvent avoir un impact direct sur le coût et la faisabilité de la reprise.
Absence de négociation d’accords de substitution avant la reprise
Si aucun accord de substitution n’a été négocié entre le repreneur et les représentants du personnel avant l’adoption du plan de cession, alors les accords collectifs antérieurs (conventions collectives ou accords d’entreprise) restent provisoirement applicables au sein de l’entreprise cédée.
C’est le mécanisme prévu par l’article L. 2261-14 du Code du travail, qui dispose que lorsqu’un accord collectif est dénoncé, il continue à produire ses effets pendant une durée maximale de 15 mois (3 mois de préavis + 12 mois de survie).
Dans le cas spécifique d’un plan de cession, l’arrêté du plan constitue par principe un motif de dénonciation automatique des accords collectifs antérieurs (puisqu’il y a changement d’employeur et souvent d’entité juridique), à défaut d’un accord de substitution. Il s’ensuit donc la règle suivante :
Les anciens accords collectifs restent applicables pendant 15 mois à compter de l’adoption du plan de cession, sauf si un nouvel accord est négocié entre-temps.
Pendant ce délai, l’entreprise cessionnaire :
- doit continuer à appliquer les anciens accords collectifs à l’égard des salariés transférés ;
- dispose d’un temps pour engager une nouvelle négociation, qui pourra alors conduire à un nouvel accord prenant définitivement le relais.
Application des dispositions plus favorables
Lorsqu’une entreprise fait l’objet d’une reprise, notamment dans le cadre d’un plan de cession, les salariés transférés doivent pouvoir bénéficier sans condition des avantages collectifs en vigueur dans la société repreneuse. Peu importe que ces avantages trouvent leur origine dans un accord collectif, un usage ou un engagement unilatéral de l’employeur.
Il n’est pas possible pour le nouvel employeur d’exiger, en contrepartie de l’octroi d’une prime conventionnelle, que les salariés issus de l’entreprise cédée renoncent aux droits qu’ils tenaient de leur ancien employeur (Cass. soc., 13 oct. 2016, n° 14-25.411).
De même, un employeur ne peut refuser aux salariés transférés l’accès aux avantages collectifs existants dans l’entreprise d’accueil au motif qu’ils bénéficient déjà d’un usage ou d’un engagement unilatéral issu de leur précédente entreprise. Cela reste vrai même en cas de droits individuels acquis au titre d’un ancien accord collectif. Ainsi, un salarié transféré peut légitimement prétendre à un bonus annuel appliqué dans l’entreprise absorbante, même si celui-ci est plus avantageux que celui qu’il percevait auparavant.
Enfin, lorsqu’un plan de cession est arrêté dans le cadre d’un redressement judiciaire, tout engagement unilatéral non dénoncé par le cédant est transmis au repreneur, indépendamment du contenu de l’offre de reprise.
Maître Luc Arminjon – Avocat en droit des entreprises en difficulté
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