Introduction

Le plan de sauvegarde : comment l’anticiper pour mieux rebondir ?

La vie d’une entreprise n’est jamais un long fleuve tranquille. Retards de paiement, baisse de chiffre d’affaires, perte d’un client important, conflits sociaux ou ruptures d’approvisionnement peuvent fragiliser même les structures les plus solides. Mais être en difficulté ne signifie pas être condamné. En France, le droit des entreprises en difficulté offre plusieurs leviers pour rebondir, tel que la procédure de sauvegarde. L’un d’entre eux est le plan de sauvegarde, qui permet à une entreprise d’éviter la cessation des paiements et de se restructurer en profondeur sous la protection du tribunal.

Ce plan, encadré juridiquement et validé par le tribunal, permet de réorganiser l’activité, d’apurer le passif et de restaurer la confiance des partenaires tout en gardant la main sur la gestion de l’entreprise. Encore faut-il en comprendre les mécanismes, les exigences et les opportunités.

Qu’est-ce qu’un plan de sauvegarde ?

Le plan de sauvegarde est l’issue normale de la procédure de sauvegarde prévue par les articles L.626-1 et suivants du code de commerce. Il s’agit d’un outil accessible à l’entreprise avant qu’elle ne soit en cessation des paiements, mais confrontée à des difficultés juridiques, économiques ou financières qu’elle n’est pas en mesure de surmonter seule.

Son objectif est double :

  • Assurer la poursuite de l’activité économique,
  • Organiser le paiement du passif selon un échéancier soutenable.

Contrairement au redressement judiciaire, la procédure de sauvegarde est toujours ouverte à l’initiative du dirigeant et suppose que l’entreprise soit encore à flot, mais sur des eaux agitées.

La procédure s’ouvre par un jugement du tribunal de commerce ou des activités économiques, voire u tribunal judiciaire, suivi d’une période d’observation. À son issue, si le redressement semble possible, le tribunal arrête un plan de sauvegarde.

Ce plan devient alors un « contrat judiciaire » de redressement, engageant l’entreprise et ses créanciers.

Conditions d’ouverture et finalité du plan

Pour bénéficier d’un plan de sauvegarde, l’entreprise doit remplir deux conditions :

  • Être en difficulté, au sens large, qu’elle ne peut surmonter seule
  • Ne pas être en état de cessation des paiements au jour de la demande.

Cette subtilité juridique est fondamentale. Le dirigeant doit donc être proactif et ne pas attendre le dernier moment pour engager une démarche.

Une fois la procédure de sauvegarde ouverte, la société bénéficie :

Élaboration du plan de sauvegarde

L’initiative

Le plan est proposé par le débiteur lui-même, avec l’aide éventuelle de l’administrateur judiciaire s’il en a été nommé un. Il doit démontrer, à travers ce plan, la capacité de l’entreprise à poursuivre son activité et à honorer une partie raisonnable de ses dettes dans un horizon raisonnable.

Le dirigeant, assisté de son conseil, élabore :

  • Un diagnostic économique et financier de l’entreprise.

Si un administrateur a été nommé, l’administrateur élabore un Bilan Économique, Social de l’entreprise. L’établissement de ce document est obligatoire. En l’absence d’administrateur, ce rapport n’est pas établi.

Mais cela ne dispense pas le chef d’entreprise d’établir un diagnostic pour éclairer le tribunal dans décision d’homologation du plan de sauvegarde.

  • Un prévisionnel d’exploitation pour les années à venir
  • Un échéancier de règlement du passif.

Il doit aussi proposer des mesures d’adaptation (cessions d’actifs, réductions de charges, nouvelles stratégies commerciales, etc.).

L’entreprise peut-elle anticiper l’élaboration du plan de sauvegarde ?

Pour éviter une période d’observation trop longue – qui peut fragiliser l’entreprise vis-à-vis de ses partenaires financiers ou commerciaux – un dirigeant prudent et avisé a tout intérêt à préparer son projet de plan en amont, avant même l’ouverture de la procédure de sauvegarde.

Cette anticipation peut être facilitée par la mise en œuvre d’une procédure amiable préalable, telle qu’un mandat ad hoc ou une conciliation. Ces outils confidentiels permettent au dirigeant de prendre contact avec ses principaux créanciers et de négocier un accord de principe, dans un cadre sécurisé.

La procédure de sauvegarde jouera alors le rôle de cadre judiciaire d’homologation et de sécurisation de l’accord négocié. Elle permet notamment :

  • de finaliser l’accord avec l’ensemble des créanciers concernés,
  • de lever l’opposition de certains créanciers réticents par l’effet de la loi,
  • et d’imposer des délais de paiement, voire des remises de dettes, même à une minorité de créanciers opposés.

Deux mécanismes sont à cet effet mobilisables :

  1. La consultation individuelle des créanciers
  2. Et désormais, dans les procédures récentes, la constitution de classes de parties affectées, dont l’approbation à la majorité des 2/3 des créances votantes permet d’imposer le plan à la minorité dissidente (cf. ci-après).

Cette stratégie permet de gagner un temps précieux, de maîtriser la communication de crise, et de renforcer la crédibilité du plan devant le tribunal et les partenaires financiers.

Le contenu obligatoire du plan

Le Code de commerce prévoit plusieurs mentions obligatoires, parmi lesquelles :

Il comporte trois volets :

  • Économique
    • Social : en cas de licenciements, ce sont les règles du droit commun qui s’appliquent sauf s’il y a une cession partielle d’activité.
    • Financier : les modalités d’apurement du passif.
  • Les perspectives de redressement,
  • Les modalités de règlement des dettes (délais, remises, etc.),
  • Les garanties offertes le cas échéant,
  • Les engagements de l’entreprise (investissements, cessions),
  • La durée du plan (limitée à 10 ans, ou 15 pour les agriculteurs),

à Le plan peut également prévoir :

  • Adjonction d’une nouvelle activité
    • L’arrêt d’une ou plusieurs activités
    • La cession partielle d’une ou plusieurs activités autonomes de l’entreprise (plan de cession partielle).

La consultation des créanciers : classes ou accords individuels

Depuis la réforme du 1er octobre 2021, introduite par l’ordonnance 2021-1193, le mécanisme de consultation des créanciers a été profondément modifié pour renforcer la lisibilité du processus.

Les classes de parties affectées

Dans les entreprises d’une certaine taille, les créanciers sont désormais regroupés par classes homogènes : banques, fournisseurs, obligataires, actionnaires, etc. Chaque classe vote séparément sur le projet de plan. Il s’agit ainsi des classes de parties affectées par le plan (art. L. 626-29 s. du code de commerce). Cela s’applique pour les entreprises de grandes tailles.

L’introduction des classes de parties affectées dans le droit français témoigne d’un véritable changement de philosophie dans l’adoption des plans de sauvegarde ou de redressement. Ce nouveau mécanisme rompt radicalement avec la logique antérieure fondée sur les comités de créanciers, telle qu’elle existait avant la réforme de 2021.

Les seuils fixés en application de l’article L. 626-29 sont de :
1° 250 salariés et 20 millions d’euros de chiffre d’affaires net ; ou 2° 40 millions d’euros de chiffre d’affaires net (article R626-52 du code commerce).

  • Chaque classe vote sur le plan à la majorité qualifiée de 2/3 des sommes détenues par les membres ayant voté. Par exemple, un comité des établissements financiers ou un comité des principaux fournisseurs devra approuver le plan à la majorité des deux tiers de leurs créances pour être adopté. Si toutes les classes votent en faveur, le plan est réputé approuvé.
  • En cas de refus d’une ou plusieurs classes, le tribunal peut éventuellement passer outre via des mécanismes de cram down (dans certaines conditions de loi nouvelles issues de la réforme 2021), mais cela reste exceptionnel et technique (par exemple dans le plan de sauvegarde accélérée du Groupe Casino). Ce système permet d’éviter qu’un petit groupe de créanciers bloque un plan pourtant globalement équilibré.

Dans ce contexte profondément renouvelé, le premier arrêt rendu par la Cour de cassation sur l’adoption d’un plan à la suite d’un vote par classes de parties affectées constitue un événement majeur, qui mérite une attention particulière.

La Haute juridiction y a été invitée à se prononcer sur deux questions techniques de première importance :

  • Une dérogation à la règle de priorité absolue (Absolute Priority Rule) est possible.
    • Le test du meilleur intérêt des créanciers (Best Interest Test) peut être considéré comme satisfait en se référant uniquement à un scénario de liquidation judiciaire, sans comparaison plus large de la situation des parties affectées dans le cadre du plan proposé.

Les accords individuels

Dans les plus petites entreprises, où la constitution de classes n’est pas requise, le plan peut être établi avec des consultations individuelles des créanciers concernés, avec obtention de leur accord express ou tacite.

Il est alors recommandé au dirigeant de négocier en amont avec ses principaux partenaires, afin d’éviter toute opposition ultérieure.

Voici un exemple de proposition faite aux créanciers :

Modalités d’apurement : [à compléter] souhaite présenter un plan avec option :

option 1 : remboursement de 100 % de la créance définitivement admise sur 10 ans au moyen d’annuités progressives de [à compléter] % (années n à n + X) puis de [à compléter] % (années n + X à n + XX) ;

option 2 : remboursement de 60 % de la créance définitivement admise sur 5 ans en contrepartie d’un abandon de 40 % de la créance ; les annuités seront linéaires.

À défaut de réponse, les créanciers seront réputés accepter l’option 2.

  • Le plan peut également prévoir :
    • la conversion de créances en capital
    • une augmentation de capital

Conditions d’homologation du plan par le tribunal

Le tribunal n’homologue pas automatiquement le plan proposé. Il l’analyse à l’aune de plusieurs critères essentiels :

  • Le caractère sérieux et sincère des prévisions,
  • La capacité de remboursement réelle de l’entreprise,
  • L’équilibre global du plan pour les créanciers,
  • Le respect de l’égalité entre créanciers d’une même catégorie,
  • L’absence de fraude ou de favoritisme.

Le tribunal s’assure également que le plan :

  • Permet le maintien de l’activité et de l’emploi,
  • Offre une issue raisonnable au regard des capacités de l’entreprise.

L’homologation est prononcée par jugement d’arrêté du plan, qui met fin à la période d’observation et ouvre la phase d’exécution.

Modalités de remboursement du passif

Le plan fixe les échéances et montants de remboursement. Il peut prévoir :

  • Des délais de paiement jusqu’à 10 ou 15 ans,
  • Des remises de dettes (accordées volontairement par les créanciers),
  • Des modulations d’annuités selon la capacité de l’entreprise.

Le Code de commerce impose cependant certaines règles minimales :

  • Le premier paiement ne peut intervenir au-delà d’un an à compter de l’arrêté du plan,
  • À compter de la troisième année, chaque annuité doit représenter au moins 5 % de chaque créance admise,
  • À partir de la sixième année, ce seuil passe à 10 %,
  • Ces règles ne s’appliquent pas aux exploitations agricoles.

Ces minimas garantissent une certaine équité dans le traitement du passif, et évitent les plans trop déséquilibrés.

Suivi et exécution du plan

Une fois homologué, le plan est mis en œuvre sous le contrôle du commissaire à l’exécution du plan, désigné par le tribunal. Ce professionnel surveille :

  • Le respect du calendrier de paiement,
  • L’exécution des engagements pris (investissements, cessions, etc.),
  • Les incidents éventuels (retards, défauts partiels, etc.).

L’entreprise reste libre de ses choix de gestion courante, mais doit informer le commissaire de toute difficulté.

Le tribunal peut également être saisi en cours de plan pour :

  • Approuver une modification du plan (par exemple si la conjoncture évolue),
  • Constater l’achèvement du plan après exécution complète,
  • Ou au contraire, résoudre le plan en cas d’échec manifeste.

Les conséquences de l’inexécution

Le non-respect du plan (retard significatif, cessation des paiements, impossibilité d’honorer les engagements) peut entraîner :

  • Une demande de modification du plan (prolongation, rééchelonnement),
  • Ou en dernier recours, une résolution du plan.

La résolution du plan peut être suivie :

  • D’une procédure de redressement judiciaire si le redressement reste envisageable,
  • D’une liquidation judiciaire si l’entreprise est irréversiblement compromise.

C’est pourquoi la prudence, la transparence et l’anticipation restent les meilleures armes du dirigeant tout au long du plan.

Avantages du plan de sauvegarde pour l’entreprise

AvantageDétail
AnticipationAgir avant la cessation des paiements évite des mesures plus radicales.
Protection judiciaireSuspension des poursuites, maintien des contrats, gel du passif.
Maîtrise du processusLe dirigeant reste à la tête de l’entreprise.
Crédibilité accrueLe plan renforce la confiance des partenaires et des investisseurs.
Souplesse de la négociationPossibilité de remises de dette, délais adaptés, cessions maîtrisées.

Pour quels types d’entreprises ?

Tous les types de structures peuvent bénéficier d’un plan de sauvegarde :

  • SARL, SAS, SA, entreprises individuelles,
  • Professions libérales, y compris celles exerçant en société,
  • Exploitations agricoles (avec des aménagements spécifiques),
  • Groupements ou associations exerçant une activité économique.

Il n’est donc pas réservé aux grands groupes. Bien au contraire : les TPE et PME sont particulièrement concernées.

Conclusion : Mieux vaut prévenir que guérir

Le plan de sauvegarde est une chance pour l’entreprise. Il permet de restaurer sa santé financière, de préserver les emplois, et d’éviter une rupture brutale avec l’ensemble des partenaires économiques.

Encore faut-il agir tôt, être bien conseillé, et faire preuve de rigueur dans la préparation du dossier.

En tant qu’avocat en droit des entreprises en difficulté, j’accompagne les dirigeants à chaque étape de ce parcours exigeant mais salvateur : du diagnostic initial jusqu’à l’exécution du plan.

LEXIQUE

  • « Repreneur » ou « Cessionnaire » ou « Candidat repreneur » : ces termes seront utilisés indifféremment pour désigner la personne physique ou morale (une société) qui fera une offre de reprise d’une entreprise en difficulté (actifs, contrats, salariés) et/ou dont l’offre aura été acceptée par le tribunal.
  • « Entreprise en difficulté » ou « débiteur » ou « cédant » désignent indifféremment la personne morale ou la personne physique qui fait l’objet d’une procédure collective. Le repreneur fait une offre de reprise de tout ou partie de l’activité d’une entreprise en difficulté.

Ces termes peuvent le cas échéant désigner l’entreprise qui fait l’objet d’une procédure de prévention des difficultés des entreprises : Mandat ad hoc ou Conciliation.

  • « Procédure collective » désigne soit une procédure de sauvegarde, soit une procédure de redressement judiciaire, soit une procédure de liquidation judiciaire. La procédure collective d’une entreprise est ouverte par un jugement du tribunal appelé jugement d’ouverture. Quand cela sera nécessaire, la procédure collective en question sera précisée.
  • « Offre de reprise » désigne l’offre de rachat faite par le repreneur « à la barre du tribunal » de toute ou partie d’une activité d’une entreprise en procédure collective susceptible d’une exploitation autonome. Cette offre comprendra notamment la reprise d’actifs, de contrats en cours et de salariés d’une entreprise en difficulté.
  • « Plan de cession totale ou partielle » ou « plan de cession » ou « cession totale ou partielle » ou « cession » désignent soit le projet de cession de l’entreprise en procédure collective, soit la décision du tribunal qui détermine dans son jugement la ou les offre(s) de reprises retenue(s) au bénéfice d’un ou plusieurs candidat(s) repreneur(s). La précision sera donnée quand cela s’avèrera nécessaire.
  • « Dépôt de bilan » est devenue une expression du langage courant qui désigne l’acte par lequel le chef d’entreprise demande au tribunal d’ouvrir une procédure collective au bénéfice de son entreprise. Dans le cas d’une demande de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, le chef d’entreprise procèdera à une déclaration de cessation des paiements.

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Maître Luc Arminjon – Avocat en droit des entreprises en difficulté 

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