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La responsabilité du dirigeant de société en cas de dépôt de bilan se pose régulièrement en cas de liquidation judiciaire, voire de redressement judiciaire.

Par Luc Arminjon, avocat à Paris en droit des entreprises en difficulté : redressement judiciaire, procédure de sauvegarde, liquidation judiciaire, conciliation, défense des dirigeants et reprise d’entreprises en difficulté.

  • Beaucoup de dirigeants craignent qu’en cas de dépôt de bilan, leur patrimoine personnel soit automatiquement mis en jeu.
  • En réalité, dans une société (SARL, SAS, SA), le principe est que la société supporte les dettes. La société fait écran avec le patrimoine du dirigeant.
  • Mais certains comportements ou situations peuvent engager la responsabilité personnelle du dirigeant ou son patrimoine personnel.
  • Les principales actions en responsabilité encourues par les dirigeants sont :
  • L’action en comblement de passif : le dirigeant peut être condamné à supporter tout ou partie de l’insuffisance d’actif (« les dettes ») de la société
  • La faillite personnelle (sanction non patrimoniale)
  • L’interdiction de gérer une entreprise

Quels sont les dirigeants concernés par une action en responsabilité ?

Les articles L. 651-2 (comblement de passif) et L. 653-1 (faillite personnelle et interdiction de gérer) du code de commerce énoncent que les dirigeants de droit ou de fait peuvent être poursuivis.

Le dirigeant de droit est notamment le président, directeur général, administrateur, gérant d’une société.

Le dirigeant de fait est celui qui s’est comporté comme un dirigeant de droit de l’entreprise sans en avoir la fonction officielle. Par exemple, un actionnaire qui prend des décisions, signe des contrats au nom et pour le compte de la société alors qu’il n’en est ni le président, ni le gérant.

Quand est-ce qu’un dirigeant peut être poursuivi en comblement de passif ?

L’action en comblement de passif n’est possible qu’en cas de liquidation judiciaire

L’article L. 651-2 du Code de commerce précise que c’est uniquement en cas de liquidation judiciaire de la société que le dirigeant peut être poursuivi d’une action en responsabilité pour insuffisance d’actif.

L’action en comblement de passif n’est pas possible en procédure de sauvegarde et en redressement judiciaire

L’action en responsabilité pour faute en redressement judiciaire

En redressement judiciaire, en application de l’article L. 631-10-1 du code de commerce, le mandataire judiciaire ou l’administrateur peut demander au tribunal d’ordonner des mesures conservatoires sur les biens du dirigeant de droit ou de fait.

Cette demande n’est possible que si le mandataire judiciaire ou l’administrateur a introduit une action en responsabilité fondée sur une faute ayant contribué à la cessation des paiements de l’entreprise.

Cette action en responsabilité contre le dirigeant est rare en pratique car il sera difficile de démontrer un préjudice subi par la société si elle fait l’objet d’un plan de redressement.

Si la procédure de redressement judiciaire est convertie en liquidation judiciaire, le liquidateur préférera l’action en comblement de passif plus classique et mieux encadrée.

Quelles fautes peuvent entrainer une condamnation en comblement de passif du dirigeant ?

Le dirigeant doit avoir commis des fautes de gestion qui ont contribué à l’insuffisance d’actif. Il faut un lien de causalité entre la faute de gestion du dirigeant et l’insuffisance d’actif qui résulte de cette faute.

La faute de gestion doit être antérieure au jugement d’ouverture.

Si ces conditions ne sont pas réunies, le tribunal ne peut pas condamner un dirigeant dans une action en comblement de passif.

La loi prévoit expressément que la simple négligence ne peut entrainer la responsabilité du dirigeant au titre de l’insuffisance d’actif : « Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la personne morale, sa responsabilité au titre de l’insuffisance d’actif ne peut être engagée ».

Exemples de fautes de gestion retenus par les tribunaux :

Fautes de gestion liées à la gestion financière et comptable

  •  Détournement d’actifs :

Non-encaissement des recettes au profit de la société, détournement volontaire à des fins personnelles.

  •  Paiements ou remboursements préférentiels :

Paiement effectué en période suspecte, même s’il est licite, pouvant constituer une faute de gestion.

Remboursement de compte courant d’associé alors que ce remboursement va placer la société en situation financière difficile.

  •  Défaut de tenue ou d’irrégularité de la comptabilité :

Comptabilité incomplète ou irrégulière menant à la perte d’un outil de gestion et aggravant l’insuffisance d’actif.

Fautes de gestion liées à la gestion opérationnelle et stratégique

  •  Poursuite abusive de l’activité déficitaire :

Maintien de l’activité alors que la société est structurellement déficitaire, sans prendre les mesures nécessaires.

Absence de restructuration ou d’adaptation face à la dégradation prévisible de la situation financière.

  •  Mauvaise gestion des ressources humaines :

Défaut de réduction de la masse salariale en cas de baisse d’activité, maintien de charges salariales excessives.

Octroi de rémunérations manifestement excessives au regard de la situation de la société.

Fautes de gestion relatives à la déclaration de cessation des paiements

Omission sciemment faite de déclarer la cessation des paiements dans le délai légal de 45 jours, lorsque le dirigeant ne pouvait ignorer l’état de la société.

Déclaration effectuée hors délai, ayant contribué à l’accroissement du passif.

Fautes de gestion dans l’intérêt personnel du dirigeant

  • Privilégier ses intérêts personnels au détriment de la société :

Paiement de créances personnelles en priorité, retrait de fonds pour des opérations non justifiées dans l’intérêt.

Fautes de gestion dans les relations intra-groupe ou avec les associés

  •  Gestion contraire à l’intérêt social pour favoriser une autre entité :

Soutien financier injustifié à une filiale ou transfert d’actifs au détriment de la société.

  •  Absence de convocation des associés pour régulariser la situation des capitaux propres

Le dirigeant peut commettre une faute de gestion s’il s’abstient de convoquer les associés pour statuer sur la régularisation, mais la faute n’est pas automatiquement retenue pour l’absence de recapitalisation elle-même.

Fautes de gestion liées à la violation des statuts ou de la loi

  • Octroi de rémunérations sans décision des associés alors que les statuts l’exigent :

S’octroyer une rémunération sans respecter la procédure statutaire peut constituer une faute de gestion.

À quel montant peut être condamné le dirigeant ?

Le dirigeant peut être condamné à combler tout ou partie de l’insuffisance d’actif.

Les tribunaux apprécient au cas par cas. En cas d’une condamnation de plusieurs dirigeants de la même société, le tribunal peut les condamner solidairement au montant du passif mis à leur charge.

La Cour de cassation veille à ce que le montant de la condamnation soit proportionné. Il faut également tenir compte du montant du patrimoine du dirigeant.

Un juge peut être commis pour faire un rapport sur l’état du patrimoine des dirigeants poursuivis.

Le dirigeant risque donc de devoir payer sur son patrimoine personnel (maison, appartement, comptes bancaires, portefeuille d’actions etc.).

La faillite personnelle et l’interdiction de gérer

Qu’est-ce que la faillite personnelle ou l’interdiction de gérer ?

La faillite personnelle du dirigeant de société ou l’interdiction de gérer une entreprise concerne aussi bien les dirigeants d’une société en redressement judiciaire qu’une société en liquidation judiciaire.

L’interdiction de gérer est une sanction plus souvent prononcée en cas de dépôt de bilan que la faillite personnelle. Mais ces sanctions demeurent des exceptions même si le risque est réel.

Il est fréquent dans une action en comblement de passif que le liquidateur judiciaire demande également au tribunal le prononcé de mesures de faillite personnelle ou d’interdiction de gérer.

Le tribunal a le choix entre la faillite personnelle ou l’interdiction de gérer

Exemples de cas :

  • Disposer des biens sociaux comme des siens propres
  • Avoir poursuivi abusivement une exploitation déficitaire
  • Ne pas avoir déclaré la cessation des paiements dans le délai de 45 (interdiction de gérer uniquement)
  • Non-coopération avec les organes de la procédure collective.

Quelles sanctions en cas de condamnation ?

La faillite personnelle entraîne automatiquement une interdiction de gérer une entreprise. La faillite personnelle peut également s’accompagner de mesures restrictive des droits civils et civiques.

La durée de la sanction ne peut excéder 15 ans et 5 ans pour l’interdiction d’exercer une fonction publique élective.

Les actions que nous avons vues ci-dessus relèvent de la responsabilité civile du dirigeant. Il existe aussi une responsabilité pénale du dirigeant dans les procédures collectives.

La responsabilité pénale des dirigeants

Le délit de banqueroute est une infraction propre aux procédures collectives (article L 654-2 du code de commerce).

La banqueroute peut être poursuivie aussi bien en redressement judiciaire qu’en liquidation judiciaire (fraude, comptabilité fictive, détournement d’actifs par exemple).

Le délit d’abus de biens sociaux peut aussi être retenu contre le dirigeant d’une entreprise en redressement judiciaire ou liquidation judiciaire.

Qui peut engager les actions en responsabilité ?

Le code de commerce, selon la situation de l’entreprise, permet à plusieurs organes de la procédure collective d’engager les poursuites.

Le plus souvent, les actions sont engagées par le liquidateur judiciaire ou le procureur de la République.

Une question ?

Maître Luc Arminjon – Avocat en droit des entreprises en difficulté : redressement judiciaire, sauvegarde, liquidation judiciaire, conciliation, défense des dirigeants et reprise d’entreprises en difficulté.

Pour toute question sur une action en responsabilité, contactez-moi pour un premier entretien confidentiel et sans engagement depuis mon formulaire de contact ou prenez rendez-vous en ligne.

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