Sauvegarde ou redressement judiciaire : quelle procédure choisir pour sauver votre entreprise en difficulté ?
Lorsqu’un dirigeant se retrouve face à des dettes, des difficultés de trésorerie ou la pression de ses créanciers, une question se pose vite. Quelle procédure utiliser pour sauver son entreprise : sauvegarde ou redressement judiciaire ?
En droit français, deux procédures principales existent pour traiter les difficultés et éviter la liquidation judiciaire :
- la sauvegarde,
- et le redressement judiciaire.
Elles poursuivent toutes deux un même objectif : éviter la liquidation et donner une chance de survie à l’entreprise. Mais elles ne s’adressent pas aux mêmes situations.
Cet article vous explique simplement les différences, les avantages et les limites de chaque procédure, ainsi que le rôle possible de la conciliation, outil préventif à ne pas négliger.
La procédure de sauvegarde : anticiper avant la cessation des paiements
La procédure de sauvegarde a été créée en 2005 pour inciter les dirigeants à anticiper leurs difficultés, plutôt que d’attendre d’être au pied du mur.
Conditions d’ouverture
- L’entreprise rencontre des difficultés sérieuses qu’elle n’est pas en mesure de surmonter (trésorerie, tensions avec les créanciers, litiges menaçants). Elle est définie à l’article L. 620-1 du code de commerce.
Par exemple, une entreprise est encore en mesure de payer les salaires et ses fournisseurs. Mais elle sait que dans quelques semaines elle va avoir une échéance bancaire importante à payer qu’elle ne sera pas en mesure de payer avec sa trésorerie disponible.
Dans cette hypothèse, le dirigeant peut décider de demander l’ouverture d’une procédure de sauvegarde. La procédure de sauvegarde aura notamment pour effet de geler la dette bancaire. Le plan de sauvegarde permettra un étalement du paiement de la dette bancaire sur plusieurs années.
- Mais elle n’est pas encore en cessation des paiements (elle peut encore payer ses dettes immédiates).
- La demande ne peut être faite que par le dirigeant lui-même.
Le dirigeant de l’entreprise en difficulté doit remplir un formulaire de demande d’ouverture de procédure de sauvegarde au greffe du tribunal.
Avantages de la sauvegarde
La procédure de sauvegarde comporte plusieurs avantages.
- Suspension des poursuites des créanciers.
- Maintien du dirigeant aux commandes de son entreprise.
- Élaboration d’un plan de sauvegarde étalé sur plusieurs années.
- Publicité : les partenaires apprennent la situation.
- Image moins négative qu’un redressement judiciaire : les partenaires comprennent qu’il s’agit d’une démarche volontaire et préventive.
Objectifs de la sauvegarde
L’objectif de la sauvegarde est de permettre la poursuite de l’activité, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif. Le dirigeant procèdera à une réorganisation de l’entreprise en élaborant un plan de sauvegarde qui sera arrêté par le Tribunal.
Le plan de sauvegarde comporte les mesures qui visent à relancer l’activité, le plan d’apurement du passif sur dix ans maximum. Il peut également y avoir un plan de licenciement, mais il s’agira de respecter les règles classiques du licenciement. Il n’y a aucune prise en charge des salaires par l’AGS.
Le redressement judiciaire : sauver l’entreprise en crise
Le redressement judiciaire est la procédure la plus connue. Elle vise les entreprises déjà en cessation des paiements, mais qui ont encore des chances de survie.
Conditions d’ouverture du redressement judiciaire
- L’entreprise ne peut plus payer ses dettes exigibles (ex. salaires, URSSAF, TVA, fournisseurs) avec sa trésorerie disponible (l’argent en banque).
- Elle doit demander l’ouverture du redressement dans les 45 jours qui suivent la cessation des paiements, sauf si elle a demandé une conciliation dans ce délai.
Le dirigeant qui ne procède pas à une déclaration de cessation des paiements dans les 45 jours s’expose à des sanctions personnelles. Il pourra être condamné par exemple à une interdiction gérée ou pour faillite personnelle.
- L’initiative peut venir du dirigeant, d’un créancier ou du ministère public.
Le dirigeant doit déposer une demande de redressement judiciaire au greffe du tribunal. Il remplit un formulaire de Déclaration de cessation des paiements.
Dans ce formulaire il devra indiquer les mesures de redressement qu’il envisage de mettre en place pendant la période d’observation. Le dirigeant devra faire un prévisionnel de trésorerie pour les 6 mois à venir qui démontre que l’activité de la société peut se poursuivre pendant la période d’observation. Si ces conditions ne sont pas remplies, le tribunal prononcera la liquidation judiciaire de l’entreprise.
Avantages et contraintes du redressement judiciaire
- Suspension des poursuites individuelles.
- Nomination d’un administrateur selon la taille de l’entreprise et d’un mandataire judiciaire qui procèdera à la vérification du passif.
- Continuation de l’activité et maintien des emplois, des contrats en cours.
- Mais : le dirigeant peut être dessaisi partiellement de ses pouvoirs par l’administrateur judiciaire.
- Publicité : les partenaires apprennent la situation.
Les étapes du redressement judiciaire
La procédure de redressement judiciaire comprend différentes étapes.
- Déclaration de cessation des paiements au greffe du tribunal
- Jugement d’ouverture du redressement judiciaire et désignation des organes de la procédure collective (administrateur, mandataire judiciaire, juge-commissaire)
- Période d’observation de 6 mois, renouvelable une fois. L’activité de l’entreprise se poursuit. Le mandataire procède à la vérification du passif.
- Élaboration du plan de redressement et d’apurement du passif par le dirigeant avec le concours de l’administrateur s’il en a été nommé un.
- Des licenciements économiques sont possibles.
- Possibilité d’une cession totale ou partielle des activités de l’entreprise à un tiers repreneur
Sauvegarde versus redressement : tableau comparatif
Critère | Sauvegarde | Redressement judiciaire |
Situation financière | Difficultés sérieuses, mais pas de cessation des paiements | Cessation des paiements (passif exigible > actif disponible) |
Initiative | Exclusivement le dirigeant | Dirigeant, créancier ou ministère public |
Pouvoirs du dirigeant | Il reste aux commandes | Peut-être en tout ou partie dessaisi, contrôle accru du tribunal |
Image | Préventive, moins stigmatisante | Plus lourde, publique, peut-être perçue négativement |
Objectif | Réorganisation, prévention | Sauvetage, apurement du passif |
En résumé :
- Sauvegarde = anticipation.
- Redressement = obligation dès que la cessation des paiements est constatée.
Pourquoi choisir la sauvegarde plutôt que la conciliation ?
La conciliation est une autre procédure utile, mais différente. C’est une procédure de prévention des difficultés. Le dirigeant d’entreprise fait une requête auprès du président du tribunal de commerce qui désignera un conciliateur. Cette procédure est confidentielle et ne fait pas l’objet d’une publicité officiel comme la procédure de sauvegarde.
- Amiable et confidentielle : négociation entre le dirigeant et ses principaux créanciers.
- Pas de publicité, pas de stigmatisation.
- Durée courte (4 mois max, renouvelable 1 mois).
- L’entreprise peut être en cessation des paiements mais depuis moins de 45 jours à la différence de la sauvegarde où elle ne peut pas être en cessation des paiements.
Exemple concret
Une entreprise a des dettes fiscales et sociales mais peut encore payer ses salariés. Avec un conciliateur, il négocie un échelonnement avec l’URSSAF et le fisc → conciliation réussie, pas besoin de sauvegarde.
Limites de la conciliation
- Elle dépend de la bonne volonté des créanciers.
- Elle ne suspend pas automatiquement toutes les poursuites.
- Elle ne règle pas les difficultés structurelles.
Le choix de la sauvegarde s’impose lorsque :
- La conciliation a échoué ou n’a pas permis d’obtenir l’accord de tous les créanciers. Mais l’entreprise n’est pas en cessation des paiements.
- Les difficultés sont plus structurelles et nécessitent une réorganisation profonde
- Le dirigeant souhaite bénéficier d’une suspension générale des poursuites et d’un plan arrêté par le tribunal
- Il est nécessaire de rétablir la confiance avec l’ensemble des partenaires de l’entreprise (créanciers, salariés, etc.).
La sauvegarde offre un cadre légal plus protecteur pour l’entreprise et ses dirigeants, avec des mesures collectives de traitement des difficultés, la suspension généralisée des poursuites, l’arrêt des paiements pour toutes les créances antérieures et l’élaboration d’un plan validé par le tribunal
La sauvegarde devient ainsi nécessaire si :
- La conciliation a échoué.
- Certains créanciers refusent tout accord.
- L’entreprise a besoin d’un cadre légal plus protecteur (suspension généralisée des dettes, plan validé par le tribunal).
Synthèse: quelle procédure choisir pour une entreprise en difficulté ?
- Conciliation : si les difficultés sont récentes, limitées et qu’une négociation amiable est encore possible. Cessation des paiements depuis moins de 45 jours.
- Sauvegarde : si les difficultés sont graves mais qu’il reste possible d’anticiper avant la cessation des paiements. Absence de cessation des paiements.
- Redressement judiciaire : si l’entreprise est déjà en cessation des paiements → le dirigeant n’a plus le choix, il doit déposer une demande sous 45 jours.
Conclusion : agir vite et ne pas attendre la liquidation
Beaucoup de dirigeants repoussent le moment d’agir, espérant une amélioration. C’est souvent une erreur fatale : plus on attend, plus les marges de manœuvre se réduisent.
Retenir la règle simple :
- Agir tôt = plus de choix et plus de chances de sauver l’entreprise.
- Attendre = obligation de passer par un redressement judiciaire, avec plus de contraintes.
En cas de doute, le plus sûr est de consulter un avocat spécialisé qui analysera la situation et proposera la solution adaptée (conciliation, sauvegarde ou redressement judiciaire).
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Maître Luc Arminjon – Avocat en droit des entreprises en difficulté (prévention, sauvegarde, redressement judiciaire, liquidation judiciaire, reprise d’entreprises)
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